La viscose, une matière textile écoresponsable… vraiment ?

La viscose ne remplit pas tous les critères de l’écoresponsabilité comme le Tencel Lycoell, le modal ou le coton bio.

Il y a quelques jours, entre la création d’un logo pour un futur lieu et la rédaction de contenus pour une entreprise de textile, j’ai demandé à Google de rechercher une robe en soie. Deux clics plus tard, un célèbre site d’e-commerce me soumettait un choix d’articles correspondant à ma requête, avec, en prime, quelques pièces estampillées du macaron Écoresponsabilité. Autrement dit le Graal, d’autant plus que l’une de ces perles affichait un prix ultra-doux de 15,99 euros. Mais à ce prix-là impossible que ce soit de la soie, me direz-vous, effectivement la robe était en 100% viscose. Que l’algorithme confonde soie et soie de viscose passe encore, mais de là à affirmer qu’il s’agisse d’une matière écoresponsable, j’ai eu comme un doute.

Pourtant à en croire le site, la pastille Écoresponsabilité correspond aux critères suivants : « Les articles portant cette étiquette sont fabriqués avec au moins 50 % de matériaux issus de la forêt, tels que la viscose, le bois, le papier ou le liège, qui proviennent de sources certifiées ou responsables et contribuent à protéger les forêts anciennes et menacées. »

Le procédé de fabrication de la viscose comprend des acides toxiques

Pour en avoir le cœur net, j’ai demandé à Lucia Della Putta, consultante dans le développement durable du cabinet TiiTdesign, son point de vue d’experte en textile.

« La viscose est une matière dérivée de la cellulose du bois ou bien des restes de coton. Aujourd’hui elle est de plus en plus souvent extraite de plantes à forte croissance comme le bambou et l’eucalyptus. Son procédé de fabrication ne nécessite pas d’abattre des arbres centenaires. En ce sens, on peut dire qu’effectivement la viscose contribue protéger les forêts », explique Lucia Della Putta.

Mais il s’agit d’un raccourci un peu audacieux. Celle qui a également créé la marque de vêtements DanceFiber s’empresse d’ajouter que le procédé de fabrication implique l’usage d’une certaine typologie d’acides toxiques. De ce fait elle ne fait pas partie des matières les plus écologiques. En l’espace de vingt ans, le procédé de fabrication a certes évolué et s’avère aujourd’hui moins dangereux. Mais au contraire du TENCEL™ Lyocell par exemple, il continue de recourir à la soude caustique, au disulfure de carbone et à l’acide sulfurique pour dissoudre la cellulose. De plus, il reste difficile de savoir de quelle manière le fabricant se débarrasse des rejets toxiques. La réglementation européenne interdit de les jeter dans les fleuves, mais ce n’est pas le cas partout dans le monde.

Des matières textiles plus écoresponsables que le viscose

Aussi il est préférable de choisir des matières comme le TENCEL™ Lyocell ou le micromodal qui recourent à un solvant non toxique et recyclable  – le composé organique oxyde d’amine (MMNO) – et qui sont fabriquées en “circuit fermé”. Cela signifie que les grandes quantités d’eau et les produits chimiques employés sont recyclés et réutilisés jusqu’à épuisement quasi total. De plus, les eaux sont traitées avant d’être rejetées dans la nature.

« Ce procédé de fabrication garantit à 98% voire 99% l’absence de rejets toxiques », assure Lucia Della Putta.

Mais si le micromodal est désormais tombé dans le domaine public, le Tencel reste soumis à un brevet détenu par Lenzing. Cela explique le prix souvent élevé de cette matière. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais trouver une robe en Tencel à 15, 99 euros… ni en soie.  

L’anecdote -au-delà du changement des habitudes des consommateurs qu’elle soulève- questionne surtout sur l’usage du terme écoresponsabilité. Au lieu de le galvauder à des fins marketing, les entreprises ne gagneraient-elles pas à faire rimer écoresponsabilité avec authenticité ? Qu’en pensez-vous ?

Valérie Quélier

Laisser un commentaire